Production _ diffusion : de nouveaux "formats" pour l'art contemporain
> Pascale Cassagnau
>> La création dans son moment contemporain (bref mémo)



La création contemporaine dans son contexte élargi s’inscrit dans le droit fil des principaux courants de l’art contemporain depuis les années 60, tels que le Land Art, l’Art Conceptuel, le Process Art notamment, qui ont “augmenté” les territoires de l’art en mettant en question la nature et le statut des notions d’auteur et d ’oeuvre traditionnellement admis. Ainsi le projet collectif “Ann Lee” porté par Philippe Parreno, Pierre Huyghe et Dominique Gonzalez Foerster témoigne de l’invention d’une oeuvre conçue comme une entité anonyme, dispersée, disséminée qui circule d’écritures singulières en écritures singulières, engendrant des zones de contiguïtés et de différences.
Il semble aujourd’hui théoriquement caduc de continuer à séparer, en termes de domaines disciplinaires cloisonnés, l’art contemporain, les nouveaux médias, la vidéo, l’audiovisuel, alors que les créateurs eux-mêmes ont dépassé dans leurs travaux et recherches ces dichotomies anciennes et que l’économie-monde des images oblige à un autre type de questionnement sur le faire oeuvre.
Si dans les “Leçons américaines”, Italo Calvino imaginait les “Mémos pour le prochain millénaire” à la manière d’un hyper-texte à travers les notions de légèreté, rapidité, multiplicité, consistance, depuis longtemps déjà les artistes se sont approprié les outils numériques et ont investi l’espace-temps singulier des réseaux pour questionner l’efficience de la technique et pour en déplacer les enjeux.
La photographie numérique rend plus que jamais nécessaire la réflexion sur les images et ses outils technologiques: ni produite, ni reproduite, elle engendre un type de “représentation” par scanning, synthèse et codage numérique, engendrant un régime temporel paradoxal.
Le domaine des images témoigne en outre d’une convergence accrue entre l’art contemporain, la photographie, les jeux vidéo (Miltos Manetas, Angela Bulloch), le web, le cinéma, la télévision en ligne, des installations interactives et sonores, des spectacles-performances (DumbType) . De même, l’art contemporain et le cinéma ne cessent de dialoguer à travers un ensemble d’œuvres qui font référence à l’imaginaire du cinéma et à son spectateur. Si la vidéo fait partie du champ de l’art contemporain, au même titre que la création multimédia ou la photographie, et ne saurait être désignée comme définissant un domaine intrinsèque, le cinéma qui entre désormais dans la définition de l’art contemporain, constitue un champ esthétique déterminé par une économie spécifique. En outre, le champ du cinéma indépendant semble aujourd’hui en complète redéfinition, comme en témoigne l’éclosion des sections parallèles des grands festivals internationaux de cinéma. Des cinéastes tels que Pedro Costa, Chantal Akerman, Charles de Meaux se situent à la croisée de plusieurs cinémas, engagés dans un mouvement de dé-définition des catégories étanches qui prévalent encore dans le domaine du cinéma commercial. Ces cinéastes considèrent leur recherche filmique comme une véritable expérimentation quant à l’image, quant à la représentation.
Le champ de la création contemporaine constitue une plateforme d’expressions singulières, de démarches diversifiées, qui ne recouvre pas exactement ce que serait le territoire strict des arts plastiques, mais un objet nouveau : celui d’un territoire disséminé d’expériences esthétiques qui se disposent en points de convergence, le contraire toute fois d’une figure unifiée.
Traversée par de multiples hypothèses sur le réel, l’histoire, l’intime, la création contemporaine représente un domaine indécidable que les artistes investissent au même titre que l’architecture, la danse, le cinéma, la littérature.

Repenser le présent de la création contemporaine pour l’accompagner au plus juste, consiste à prendre la mesure d’un nouveau régime des images ainsi que de la singularité d’une économie de l’immatériel ainsi que de sa dimension d’expérience . Ce qui apparaît comme l’un des traits saillants de cette économie est le court-circuit qui s’instaure désormais de plus en plus entre le moment de la production et celui de la diffusion, du fait de la nature à la fois de médium et de média de l’espace internet. A tel point que l’artiste devient parfois un provider, le provider de son œuvre.

Face à l’étendue d’activités de plus en plus diversifiées et complexes qu’induisent le domaine des nouvelles images, l’ouverture de champs nouveaux d’expérimentations et de réalisations autour de la création contemporaine qu’elles proposent, les actions de la Délégation aux Arts Plastiques dans le domaine de l’art contemporain et des nouveaux médias prennent la forme de soutien à des projets de commande (Commande publique), d’acquisitions (Fonds National d’Art Contemporain), de création (Allocations de recherche et de création en France et à l’étranger, Fonds d’Incitation et d’Aide à la Création), de production, de réalisation, d’édition, de diffusion. Afin de croiser et de mutualiser les champs de réflexion et les ressources de l’art contemporain et de la création contemporaine dans son contexte élargi (arts plastiques, architecture, design, graphisme, mode).
Les modes diversifiés d’accompagnement et de soutien des projets par subvention visent une très grande souplesse, afin de mieux répondre à l’économie propre des projets et des démarches mises en oeuvre.

Les commandes publiques sur internet des programmes “Entrée libre” (1998) et “Reposoirs d’écran 2000”, passées par le Centre National des Arts Plastiques à des artistes contemporains enregistrent l’essor et le développement de l’espace des réseaux comme nouvelle modalité de l’espace public, après l’espace public audiovisuel de la télévision. Ainsi Michel Aubry, Gilles Barbier, François Curlet, Matthieu Laurette, François Morellet, Daniel Buren, Gérard Collin Thiébaut, Alain Bublex, Véronique Joumard, Ange Leccia, Alberto Sorbelli, Bertrand Lavier, Kendel Geers, François Roche, Jean-Jacques Rullier notamment, ont conçu des sites inédits pour l’espace du web. Stéphane Calais, Serge Comte, Franck David, Paul et Joon Ja Devautour, Valery Grancher, Bernard Joisten, Géraldine Pastor-Lloret, Philippe Ramette, Kristina Solomoukha, Ernest T ont réalisé la collection des “Reposoirs d’écran” téléchargeables sur le bureau de l’internaute.
Un programme de commandes d’œuvres multimédia (vidéo - cd-rom, sites) en partenariat avec les collections des artothèques en région est en cours d’élaboration, poursuivant la réflexion autour des nouvelles valeurs d’usage des oeuvres ainsi que sur l’intrication de plus en plus récurrente de l’espace public et de l’espace privé.

La commande publique concerne également des événements éphémères : le Centre National des Arts Plastiques a soutenu notamment les projets “Global Teckno” Grande Halle de la Villette (1998 - Serge Comte, Superflex, Jessica Bronson, Bernard Joisten, Henrike Plenge-Jacobsen), “Avignon 2000”(Arosa 2000), Biennale de Lyon (1995 - Pierre Huyghe), (2001 - Miltos Manetas).
Le projet soutenu en commande publique pour la réalisation et l’édition ultérieure d’un “Vidéo - kiosque” nomade pour le Parvis à Pau par Claire Petetin (2001) concerne la question des espaces de présentation et de consultation des oeuvres vidéo et multimédia.

Le domaine de la commande publique permet d’accompagner la création dans le présent de ses hypothèses, selon les logiques de la production et de la diffusion des œuvres.

Forte de près de 200 oeuvres, la collection vidéo et multimédia du Fonds National d’Art Contemporain constitue un fonds riche et diversifié au sein duquel de très jeunes artistes (Claude Closky, Laétitia Bénat, Annika Ström, Pierre Bismuth, Pierre Huyghe, Mélick Ohanian) dialoguent avec des installations d’artistes plus confirmés (Ange Leccia, Bill Viola, Gary Hill, Dennis Adams, Antoni Muntadas, Dennis Oppenheim).
La question de l’acquisition d’œuvres éphémères, sur support électronique (analogique ou numérique), sur le web (Niek Van de Steeg) soulève celle de la restauration préventive : celle de la restauration des liens hypertextes, de la migration régulière et programmée du fonds, de sa numérisation.

Les travaux d’artistes qui ont été subventionnés dans le cadre des allocations du Fonds d’incitation à la création et à la recherche (FIACRE) témoignent d’une inventivité diversifiée. Il s’agit d’aides destinées aux artistes réalisant des œuvres en France ou à l’étranger dans le domaine de l’art contemporain et des nouveaux médias (vidéo, cd-rom, dvd-rom, cinéma, sites) ainsi qu’aux éditeurs porteurs de projets. (Re - Voir, Bureau des Vidéos).
Joël Bartoloméo, Marine Faust, Dominique Gonzalez Foerster, Claude Rutault, Ernest T., Marie-Ange Guilleminot, Valérie Mréjen, Peter Downsbrough, Patrick Corillon, Delphine Kreuter, Charles de Meaux, Eric Maillet, ont ainsi récemment bénéficié des allocations du FIACRE. Ces allocations permettent la conception de maquettes de projets ou leur co-production - réalisation, en relation avec des partenaires privés divers tels que la Caisse des Dépôts et Consignations, Anna Sanders Films.
La mise en place de la Commission Image/Mouvement au sein de la Délégation aux Arts Plastiques initie un nouveau dispositif d’aide à la création, à la diffusion, à la valorisation de la création contemporaine dans le champ de l’audiovisuel et du cinéma. Il constitue une plateforme permanente d’observation, de réflexion, d’incitation et de recherche replaçant dans leur contexte élargi l’écriture audiovisuelle, le cinéma, l’image, la représentation.

La création récente du DICREAM (dispositif inter-direction pour la création artistique multimédia) à l’instigation du Centre National de la Cinématographie, est une plateforme de réflexion et d’évaluation qui réunit toutes les directions du Ministère de la Culture afin de soutenir des projets artistiques (maquette, réalisation, manifestations) de nature interdisciplinaire, engageant ainsi un débat très riche sur la création contemporaine et ses champs disciplinaires.

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