Production _ diffusion : de nouveaux "formats" pour l'art contemporain
> Xavier FOURT

Je vais parler à la fois du travail de Bureau d’études et du Syndicat Potentiel autour notamment d’un projet auquel nous avons participé cet été. Il s'agit de No Border, un campement qui s'est tenu à Strasbourg. No Border regroupait des collectifs de différents pays d’Europe pour défendre la liberté de circulation en Europe et pour lutter contre les nouveaux dispositifs de contrôle et de surveillance, notamment le système d’information Schenghen dont la direction, si on peut dire, se situe à Strasbourg.
Pourquoi avons-nous participé à ce campement ? Il y a quelques années, nous avons créé à Strasbourg – où nous avons fait nos études – un espace qui à l’origine était un espace d’exposition pour les jeunes artistes que nous étions. Nous l’avons utilisé comme outil auto-promotionnel et cela a également servi à un certain nombre de personnes pour faire des expositions, des concerts, etc. Lentement, nous nous sommes rendu compte que cela avait peu d’intérêt de s’adresser à un public restreint amateur d’art, et nous avons cherché à faire évoluer le fonctionnement de ce lieu. Entre temps nous avons créé le Syndicat Potentiel, dans le cadre duquel nous nous sommes associés à des personnes qui sont en Belgique : des artistes chômeurs qui sous le nom de "Plus tôt te laat" occupent un bureau de pointage (l’équivalent d’une ANPE en France, autrement dit, un espace où l’on vient pointer) dans lequel ils réalisent des vidéos de quartier.
Après la création du Syndicat Potentiel, nous avons renommé l’espace d’exposition de Strasbourg "Syndicat Potentiel" tout en essayant d’y définir d’autres types d’activités. Dans le cadre de cette réflexion, qui se poursuit encore aujourd'hui, nous nous sommes associés à des chercheurs «francs-tireurs», chômeurs ou précaires qui ont créé plusieurs revues de recherches en sciences humaines. Ensemble, nous avons mis en place l’Université Tangente qui a des activités dans les locaux du Syndicat Potentiel. Dans ce cadre, Bureau d’études a choisi de développer des recherches à la fois sur les structures du capitalisme et sur ce qu’on pourrait appeler «les savoirs et pouvoirs autonomes», c'est-à-dire sur l’existence d’un certain nombre de recherches et d’expériences qui ne retournent pas du domaine marchand ou public et qui sont menées dans des domaines très variés : habitation (squats), informatique (hacklab, logiciel libre), lutte politique, lutte des banlieues, des femmes, etc…. Et c’est en nous intéressant à la fois à l’analyse de la transformation du capitalisme aujourd'hui et aux savoirs et pouvoirs autonomes que nous avons décidé de participer à No Border. Ce campement rassemblait un certain nombre de groupes (des squats, des réseaux anarchistes ou activistes d’une dizaine de pays) souvent issus du monde de l’art mais qui, désintéressés par la pratique de l’exposition, ont développé d’autres types d’activités, à l’instar de Kein Mensch ist Illegal qui s’est créé à la Documenta et qui maintenant est un réseau assez ouvert qui fait des actions contre les déportations, comme celles faites par la compagnie d’aviation Luftansa, par exemple. Nous avons donc pensé que le fait de participer à ce camp nous permettrait d’avancer les recherches sur les savoirs autonomes, puisqu’on considère que les savoirs et les pouvoirs autonomes sont les pistes de devenir pour l’art aujourd'hui. En effet, si on considère ce qui s’est passé en art au cours du 20ème siècle, il y a un processus de rapprochement entre la définition classique de l’autonomie artistique et la question de l’autonomie politique ; et ce point de jonction qui nous intéresse était selon nous visible à No Border où il y avait justement beaucoup d’inventivité. Donc nous avons décidé de nous y impliquer, puisque de surcroît ce projet nous semblait être en cohérence avec à la fois le projet de l’Université Tangente et l’espace du Syndicat Potentiel.
Notre implication à No Border s’est traduite de plusieurs manières. Premièrement, l’espace du Syndicat Potentiel – qui déjà avait été redéfini comme un espace de ressources – a servi de centre de ressources lors de la préparation du camp, et ce, à différents niveaux : autant pour accéder à internet, envoyer des fax, faire des conférences de presse et des réunions publiques, que pour manger et dormir. Il y a eu un tel nombre d’activités réalisées sur place que même un officier de police a considéré cet espace comme le Q.G. de No Border – à tort ! – parce qu’effectivement, en proposant un certain nombre de ressources, l’espace a eu une utilité structurante dans ce campement. Par ailleurs, cet espace a eu d’autres fonctions durant No Border, notamment suite à l’interdiction préfectorale des manifestations qui est tombée assez vite. Situé au centre-ville, il a permis d’accueillir des personnes venues pour se déguiser, comme au carnaval. Mais comme le fait de se déguiser semblait être très inquiétant pour la police, l’espace du syndicat potentiel s’est fait encercler par la police, et toutes les personnes qui sortaient de l’espace ont été arrêtées. Ce qui nous a un peu inquiété pour la suite.
Notre seconde implication dans le campement a consisté à mettre en place un infoshop, c'est-à-dire un espace mettant un certain nombre d’informations à la disposition du public. Nous avons proposé un infoshop en deux parties. Une partie traitait de l’«Infowar» c'est-à-dire de la guerre de l’information aujourd’hui et l’autre partie s’attachait au Prison Industrial Complex, c'est-à-dire au système de prisons privées qui, tout en bénéficiant des subsides de l’État, permet de faire du profit sur le travail des gens qui sont mis en prison. Ce type de système est très développé aux États-Unis et en Angleterre, et il commence à apparaître en France. Les murs de l’espace de l’infoshop comportaient un "dessin explicatif", et des ordinateurs – que nous avions obtenu gratuitement – avaient été installés au centre de la pièce. Grâce au travail d’une personne d’un squat de Dijon qui nous avait installé tout le dispositif informatique, ces ordinateurs étaient en ligne, ce qui créait de surcroît un rapport entre le centre – qui était un lieu de recherche d’information – et ce qu’il y avait sur les murs qui expliquait de manière grossière certains liens entre des entreprises multinationales, des instituts de recherche, des structures publiques. Ce grand schéma était la version simplifiée d’un document qui s’appelle "Refuse the Biopolice" que nous avons produit en anglais à 7000 exemplaires, et qui a été distribué pendant ce camp No Border. Ce document est composé de trois cartes. La première s’attache au gouvernement mondial et indique les connexions entre lobbies, groupes de concertation confidentielle, Etats, entreprises. La seconde traite des systèmes de surveillance, de contrôle et d’identification aujourd'hui, notamment en ce qui concerne la biométrie, et plus généralement de la manière avec laquelle on produit des données sur les populations, qui sont intégrées dans des fichiers qui ensuite peuvent servir à des mesures de contrôle et de surveillance, en France et dans différents pays du monde. La troisième carte concerne plutôt les prisons et comporte également une partie concernant les centres de détention pour sans-papiers : il y a un certain nombre de centres de rétention administrative qui ne sont pas connus par la presse, dans lesquels des personnes sont enfermées, tabassées et puis ensuite éjectées. Ce sont des situations qui se durcissent beaucoup aujourd'hui. Ce document a eu beaucoup de succès. Il est paru en juillet et a circulé dans huit pays. Il a déjà été republié en Italie et au Danemark et il va y avoir des versions espagnole et grecque. Il va aussi y avoir quelque chose en Angleterre où ça a vraiment marché très fort. A notre grande surprise, ce document a servi de matériel lors de manifestations, en France et à l’étranger. Des personnes le brandissaient devant la police, certains s’en sont même servi pour expliquer aux flics comment fonctionne aujourd'hui la police ! C’était assez intéressant ! Pour nous, il s’agit avant tout de (faire) comprendre comment on construit des représentations, comment on les diffuse, quels types de représentations on a dans la tête, et comment, à partir de ce dispositif de représentation, on dégage une autonomie. C’est ça le fond de la chose.
Dans le cadre des workshops réalisés durant ce campement, il était question d’intervenir directement sur le bâtiment du système d’information de Schenghen qui était complètement encerclé par une police préventive. Malgré cet obstacle, nous désirions quand même faire une action et nous avons ainsi décidé de faire une sorte de "hacking en direct". Il s'agissait d'une fiction, même si on connaît des personnes qui ont pu voir comment fonctionne de l’intérieur ce système d’information Schenghen qui d’ailleurs diffuse des informations assez hallucinantes, notamment sur la prise en compte de données commerciales dans ce système d’information.
Nous sommes intervenu à côté du bâtiment ; nous avons creusé un trou et fait comme si on se connectait aux câbles qui étaient sous terre. J’avais préparé une carte décrivant les entreprises impliquées dans la mise en place et la maintenance de ce réseau. Elle expliquait les emplacements des différents acteurs, et mettait en évidence comment par exemple la SAIC, une entreprise américaine employant des centaines de milliers de personnes, peut entrer dans ce type de réseau, parce qu’elle y est impliquée techniquement. Et donc nous avons fait comme si nous rentrions dans ce réseau là pour le voir fonctionner de l’intérieur. C’était en fait une action essentiellement médiatique visant à produire de l’image et du son pour les journalistes.
Par rapport à ce qui peut être considéré comme un travail de création et comme une mise en œuvre opératoire de réflexion, de mode d’action et de question de représentation, ce camp était très instructif. Il y aurait également de nombreuses critiques à faire, mais je pense néanmoins que dans ce type de lieu se génère énormément de choses aujourd'hui. Ainsi, avec un groupe autrichien, nous avions invité au camp No Border les amis de Bruxelles de l’Ambassade Universelle, pour qu’ils rencontrent des collectifs de sans-papiers. Cela a donné lieu à des discussions sur le sujet et à cette occasion nous avons réalisé une bande-dessinée qui explique le statut des sans-papiers et qui a été diffusée à Bruxelles.

Après ce camp, nous sommes allés à la Documenta qui avait entre autre pour sujet la question des frontières. Entre une Documenta qui traite de la question des frontières et la question des sans-papiers de l’espace Schenghen, on pouvait s’attendre à des points de rencontre intéressants. Par conséquent, nous avons décidé de faire une action sur place : avec des personnes d’Allemagne et d’Autriche, nous avons installé un «micro-campement» sur la place. Aux cinq plate-formes de la Documenta, nous avons ajouté une sixième, avec un tract qui reprenait la charte graphique de la Documenta mais qui posait de façon très directe la question des frontières et des dispositifs juridiques comme celui de l’"assignement à résidence". C'est-à-dire que les personnes qui sont en asile politique sont mises en isolation à l’extérieur des villes dans des bâtiments dont elles ne peuvent pas sortir : ce sont des sortes de prisons. Elles peuvent se déplacer, mais uniquement pendant 24 heures en prévenant la police... Si ceci concerne précisément la situation allemande, on observe également dans les différents pays européens une sorte de durcissement. Par exemple, lorsque nous avons présenté à Rome et à Bologne le camp No Border, avant sa réalisation, nous avons appris qu’en Italie, les frontières ont été complètement fermées sauf pour les personnels de ménage (!)– ce qui est assez intéressant dans la mesure où cela montre des liens avec la question du travail. L’intervention que nous avons faite à la Documenta était très simple. Nous avons installé des tentes et des véhicules et distribué des tracts pour entrer en résonance avec ce qui se passait dans les différents bâtiments. Je dois dire que cela n’était pas spécialement intéressant. Mais cela pourrait aller plus loin. Et néanmoins, c’était assez intéressant pour nous de faire ce type d’expérience.

Si aujourd'hui, nous nous impliquons de plus en plus dans ce genre d’intervention, c’est parce qu’il nous semble que les outils que nous mettons en œuvre ont une opérativité qu’ils n’ont pas du tout dans le monde de l’art, monde de l’art entendu au sens le plus classique du terme, c'est-à-dire au sein d’espaces d’exposition qui s’adressent à un public très spécialisé et qui en fait limitent très fortement la réflexivité sur le monde qui nous entoure. Mais si nous cherchons à voir ce qui se passe ailleurs, cela ne nous empêche néanmoins pas de faire des choses dans ce contexte là. Par exemple, nous travaillons actuellement sur un projet qui sera présenté à la fondation Generali à Vienne. Ceci dit, c’est surtout dans la mesure où ils peuvent financer des recherches que ces contextes artistiques nous intéressent aujourd'hui. En effet, nous cherchons systématiquement à produire des documents comme celui dont je viens de parler, qu’on a réalisé pour un infoshop à l’École des Beaux Arts de Bourges et qui concernait les savoirs et pouvoirs autonomes. Ce sont des recherches qui nous intéressent, que nous poursuivons, et c’est pour cette raison que nous nous déplaçons dans différents champs. En Italie par exemple, il y a des laboratoires informatiques autonomes ; il y a une inventivité très forte qu’il faut regarder de très près, il y a vraiment des choses à récupérer partout aujourd'hui ou avec lesquelles il faut travailler.
Pour ce qui est des projets et des interventions récents, nous venons de réaliser une carte pour le forum social européen qui a commencé hier [novembre 2002]. Cette carte traite des institutions européennes et se compose de trois parties. La première vise à détailler les institutions européennes dans toute leur complexité - parce qu’il n’existe pas de carte expliquant de manière exhaustive, dans tous les domaines, ce que sont les institutions européennes. La seconde carte, sur un même document, décrit une invention européenne qui s’appelle la "société civile organisée". La société civile organisée c’est à la fois des lobbies, des corporations, des groupes religieux, des associations d’étudiants qui sont choisis, plus ou moins triés sur le volet, pour donner des conseils auprès des institutions européennes. En lisant les informations associées aux listes décrivant cette société, on en comprend la structure et la signification, et on voit que c’est un système très orienté. La troisième carte concerne plutôt l’aspect "société civile non organisée". Ce triple document, qui sera diffusé dans le cadre du forum social européen, constituera un document de travail permettant de parler des choses dans toute leur complexité.

Maintenant je vais parler de "Juridic Park", un projet que nous avons réalisé au Havre et qui est antérieur à No Border. Nous ne souhaitions pas faire d’exposition, mais finalement, nous n’avons pas vraiment réussi à sortir de ce dispositif là. Sinon, je pense que nous serions peut-être plus précis sur les moyens de dépasser les limites tracées notamment par des gens comme Mickael Asher, c'est-à-dire sur les moyens d’aller vraiment au delà de la critique institutionnelle. Je pense en effet qu’aujourd'hui il faut dépasser cela et mettre un peu le pied dehors. C’est de cette manière qu’il peut y avoir une évolution par rapport à la situation des années soixante-dix. C'est-à-dire que si dans les années soixante-dix il y a eu des constructions d’espaces d’exposition agencés avec de la critique institutionnelle, cette critique restait à l’intérieur de l’espace d’exposition, et je pense qu’aujourd'hui, comme disait Marcel Broothaers, "l’art doit sortir dans la rue pour s’encanailler". Pour Juridic Park, c’était encore intermédiaire. Dans l’espace d’exposition, qui était fermé par un mur comportant le titre Juridic Park, un document gratuit était distribué. Ce document consistait en un guide juridique de la ville du Havre ou plutôt un guide touristique proposant des promenades dans la ville du Havre sous un angle juridique. Sept types d’approches juridiques étaient proposés dans différents domaines. Grâce à ce guide, en se promenant dans la ville, on pouvait apprendre que l’eau appartient à untel, qu’en prison, on peut installer sa cellule comme on le souhaite, qu’on n’a pas le droit de manifester de telle ou telle façon, que les bâtiments doivent être colorés de telle façon…. Autrement dit, ce document mettait en évidence la façon dont l’espace de la quotidienneté est traversé par des normes et des règles. Nous voulions rendre visible, sous l’évidence immédiate de la ville comme manifestation, la manière avec laquelle la ville est structurée par du droit et inversement la manière avec laquelle le droit conditionne la façon dont on peut considérer les choses et leur fonctionnement, mais également la façon dont elles peuvent apparaître, puisque le droit peut déterminer par exemple des couleurs, des largeurs de route, etc. Nous invitions donc les visiteurs à sortir de l’espace, à se promener dans les rues et à se demander : "dans ma ville, comment ça fonctionne ? comment c’est réglé ? qu’est-ce que j’ai le droit de faire ? qu’est ce que je n’ai pas le droit de faire ?". Le document était composé d’articles de droit et d’un ensemble d’informations collectées à la fois aux archives et au gré de nos promenades concernant à la fois ce qui se passe dans la ville, son historique, les zones de travail clandestin où de voitures brûlées, les emplacements des propriétés EDF, les emplacements de drapeaux pendant le 14 juillet – puisque la ville est couverte de drapeaux comme chaque ville le 14 juillet – c'est-à-dire la manière avec laquelle la ville est structurée par les symboles républicains. Nous nous sommes également attachés aux propriétés privées, ou de privatisation d’espaces publics, c'est-à-dire que nous avons essayé de retrouver les espaces dans la ville où il y a écrit "propriété privée". Tout cela apparaît sur une carte qui concerne ce qui tourne autour de la propriété privée, et où l’on trouve également les emplacements des caméras de surveillance et les emplacements des logements des familles juives déportées pendant la guerre.
Ce document se couplait à une intervention dans la ville – qui a été très vite arrachée – qui se présentait sous la forme de petites plaques réalisées dans un style réglementaire, très banalisé, portant des articles de droit comme on peut en voir par exemple sous les panneaux "propriété privée" où souvent un article de droit vient préciser l’interdiction, par exemple : "interdit de stationner, article…". Il y avait ainsi une centaine de plaques portant des articles dans différents domaines et qui étaient installées contextuellement. Par exemple, sur une école, nous avions affiché une plaque citant l’article de droit selon lequel les parents sont passibles de prison s’ils ne mettent pas leurs enfants à l’école, couplée avec un article disant "L’école est libre, gratuite et obligatoire". Il y avait également des choses sur le commissariat, par exemple que les officiers de police ne sont pas obligés de se mettre en uniforme. L’intérêt pour nous était de mesurer comment, en travaillant dans l’espace public avec des informations textuelles, cela pourrait jouer avec les personnes qui pratiquent cet espace. En l’occurrence, les plaques ont été arrachées très vite, ce qui est dommage. Il y avait aussi, même si c’est un peu de la plaisanterie, l’idée de coller de manière illégale des articles légaux. Nous avions également collé des articles sur la mairie et à la plage. Sur la plage, par exemple, il y avait des citations d’article de droit ou de jurisprudence comme celui-ci : «L’usage de la plage est gratuit». Notre intérêt pour la gratuité dans l’espace public se rattachait à d’autres recherches qui concernent la "zone de gratuité" et ce qui se passe autour.

Cette Zone de Gratuité, créée à Paris il y a quelques années, est un espace dans lequel tout était gratuit et où n’importe quelle personne pouvait venir et prendre tout ce qui s’y trouvait, pouvait aussi amener des choses mais n’était pas obligée d’amener quelque chose pour prendre. Autour de ce travail, nous avons fait des recherches sur ce qu’est la gratuité, autant d’un point de vue historique (comment ce terme apparaît-il ? Comment est-il utilisé dans certains pays ?), que d’un point de vue juridique (quelles sont ses occurrences depuis le droit romain jusqu’au droit actuel, en passant par le droit coutumier ?) ou d’un point de vue social (quels sont ses usages dans différents domaines ?) ou littéraire. Dans ce cadre, nous avions essayé de matérialiser, dans le droit français, les domaines dans lesquels le terme de gratuité apparaît, et de creuser cette différence entre la question du domaine public – ce qui appartient à tout le monde – et la question des choses qui appartiennent à tous, car ce n’est pas tout à fait la même chose.

Cette réflexion sur la gratuité est toujours en cours. Nous nous sommes aperçu que ces deux dernières années de nombreuses zones de gratuité sont apparues dans différents pays européens. Nous avons participé en début d’année à une rencontre internationale des zones de gratuité lors d’une réunion internationale de l’Action Mondiale des Peuples (AMP), où nous avons pu discuter des modes de fonctionnement des différentes zones de gratuité. Notre démarche consistait à considérer le sujet sur le plan artistique, c'est-à-dire à travers une approche de la représentation. La question de la manière avec laquelle la valeur structure l’espace nous semble importante parce qu’un certain nombre de clichés, du genre "ce qui est gratuit ne vaut rien", subsistent encore. Par conséquent, il y a un gros travail à faire qui consisterait dans un premier temps à déterminer si on veut déplacer ce genre de cliché, dire qu’effectivement ces clichés existent, mais que les choses peuvent aussi être considérées autrement. Il faudrait essayer de déplacer, ré-agencer la façon dont on imagine la valeur. Aussi, c’est ce genre de réflexion qui nous intéresse et que nous avons abordé dans une discussion collective.

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Asier Perez Gonzalez, Funky Projects, Bilbao (artiste) > consulter

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